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SOUVENIR

Mémoires de Résistants

La « Plaine Sapin » dans le Condroz fut un site important de parachutages alliés durant la dernière guerre. Aujourd’hui, des anciens combattants entendent en perpétuer le souvenir.Tranches d’histoire....

« Un jour, un fermier découvrit des soldats de la Waffen SS dans son fenil. Aussitôt, il ôta ses sabots pour courir plus vite nous chercher. Nous étions un petit groupe de jeunes résistants. Nous avons alors encerclé la ferme et les avons obligés à descendre pour les livrer aux Américains. » Cette histoire, Louis Colson la raconte avec fierté. A juste titre. Cet homme d’une septantaine d’années est aujourd’hui président de la Fraternelle de la « Plaine Sapin », l’une des 130 Fraternelles de l’Armée secrète (FAS), qui regroupent des anciens combattants.

Situé à la frontière des provinces de Namur, Liège et Luxembourg, sur le territoire de la commune de Somme-Leuze, ce bout de campagne fut un lieu stratégique pour les parachutages alliés. A cet endroit, au lendemain de la capitulation belge du 28 mai 1940, naquirent les premiers îlots de résistance. Les tâches étaient bien structurées. Outre la transmission par radio de renseignements sur les activités de l’occupant allemand et le sabotage de leurs lignes de communication, ils organisaient le parachutage d’hommes et de matériel. C’est donc ici qu’œuvraient, dans les nuits sombres et froides, Louis Colson et ses hommes. Toujours sur le qui-vive, ils avaient pour mission de réceptionner les conteneurs remplis d’armes, d’explosifs, d’équipements tombés du ciel ou encore des soldats britanniques qui atterrissaient parfois dans les arbres ! « Avec eux, nous utilisions des mots de passe. Quand ils disaient ‘Robert’, nous répondions ‘Poulet’ », se souvient Louis Godfroid.

Les parachutages ne devaient avoir lieu que durant les nuits sans lune et sans trop de vent. Le printemps et l’été de l’année 1944 furent les plus importants avec le largage de plus de 120 conteneurs. Une fois au sol, il fallait les cacher sous la terre et effacer toute trace de ce qui c’était passé la nuit…Ainsi se déroulaient les nuits des maquis. La journée, à l’abri des regards, les hommes travaillaient à la mise en ordre du matériel, au dégraissage des armes larguées et à leur distribution aux autres résistants du Condroz. « Vous savez, avoue-t-il, la clandestinité, c’était avant tout la discrétion. »

                                                                                                                                         « J’étais cuit ! »

Ces opérations ne se faisaient évidemment pas sans risques. « Un jour, la connexion de notre antenne radio s’abîma quelques heures avant le parachutage, explique Jean, qui était chargé des contacts avec l’Angleterre. L’électricien le plus proche se trouvait de l’autre côté de la vallée de l’Ourthe. Je savais qu’à cet endroit des contrôles de la Wehrmacht ou de collabos étaient fréquents. Je n’avais pas non plus l’autorisation des Allemands pour pouvoir circuler à moto ou en voiture. Mais je me devais d’y aller. Sur le retour, je croise des Allemands ! Ils allaient voir que je transportais une radio. J’étais cuit ! Arrivé à leur hauteur, j’ai eu le réflexe de faire… le salut hitlérien. Ils ne m’ont rien demandé et m’ont laissé passer. J’étais sauvé ! Dans ces cas-là, il faut un peu de présence d’esprit et beaucoup de chance.. »

La résistance dans cette région du Condroz n’aurait peut-être pas été ce qu’elle fut sans l’aide des fermiers, qui assuraient les ravitaillements. Et de nombreuses familles aussi, qui accueillirent des réfractaires au travail obligatoire en Allemagne, des adultes et des enfants juifs, au péril de leur vie parfois. C’est pourquoi, dans la Résistance, chacun multipliait les précautions. Ainsi, certains soldats de l’Armée secrète cachaient à leurs parents leurs activités quotidiennes par peur d’une dénonciation possible sous la torture.
Ces souvenirs semblent peut-être, pour certains d’entre nous, appartenir à un temps révolu. Alors pour rappeler aux nouvelles générations cette partie de l’Histoire dont les acteurs et les témoins se font moins nombreux, les quelque 100 membres que compte la Fraternelle de la « Plaine Sapin » ont construit un autel, symbole de ce que fut l’esprit de la Résistance dans la région. Inauguré le 6 septembre, ce petit monument célèbre les résistants, prisonniers de guerre et combattants, victimes de la guerre. Une manière aussi pour ces « survivants » de tenter d’exorciser une blessure qui leur est allée droit au cœur : le décret flamand Suykerbuyk qui vise à indemniser sur un même pied d’égalité les résistants et les collaborateurs. Julie Van Der Kar

Le Vif/l’Express 11/9/98
Julie Van Der Kar